À 650 m d'altitude, dans les Vosges du Sud, le projet Une Figue dans le Poirier mené par Lilian constitue un cas d'étude particulièrement riche pour les futurs concepteurs de forêts comestibles. Ce site, à la fois lieu d’expérimentation, de transmission et de création paysagère, propose une lecture fine du territoire par l’approche sensible et systémique de son initiateur.
Une conception enracinée dans le contexte pédoclimatique
Le terrain, réparti sur un double socle de grès et de granite, illustre la complexité géologique locale. Lilian a conçu le design en fonction de cette hétérogénéité, en articulant successions végétales, gestion de l’eau et évolution des microclimats. L’analyse des vents dominants, la compréhension fine des pentes, des zones de ressuyage et des couches pédologiques ont guidé les implantations. Le site met également en œuvre des logiques de zonage permaculturel, avec une diversité de formes fruitières adaptées aux usages et à la distance avec la maison.
Le projet se distingue par une prise en compte dynamique de la forêt : Lilian mobilise le concept de successions écologiques pour guider les plantations et favoriser une évolution forestière stratifiée. La création d’une "forêt pourpre", conçue à des fins pédagogiques, permet d’illustrer visuellement ces successions, en rendant perceptibles les transformations végétales dans le temps.
Apports pédagogiques pour les étudiant·es en design de systèmes vivants
Cette immersion a permis d’aborder plusieurs notions clés, directement transposables dans une pratique professionnelle du design de systèmes comestibles et résilients :
- L’importance du design contextuel, fondé sur l’écoute active du lieu, la lecture des contraintes et potentialités, et une adaptation fine aux conditions écologiques, humaines et sociales.
- La valorisation esthétique comme levier de sensibilisation et d’appropriation, en particulier dans des territoires peu réceptifs aux codes traditionnels de la permaculture. L’esthétique devient ici un vecteur d’émotion et d’ancrage, facilitant la transmission et la mobilisation citoyenne.
- La progressivité du design, pensée par strates et par îlots, permettant une implantation évolutive et résiliente, adaptée aux ressources disponibles, à la dynamique du sol et aux retours d’expérience empiriques. Le jardin devient un espace d’apprentissage itératif.
- L'intégration d’une approche artisanale et sensible du paysage, mêlant travail du bois, forge, formes végétales sculptées et choix végétaux audacieux. Ce soin du geste et de la matière confère au lieu une cohérence sensible et une identité forte, tout en renouvelant notre rapport aux outils et à la matière vivante.
Enfin, cette visite a offert un contrepoint précieux aux approches strictement techniques ou productivistes. Elle a révélé une posture spécifique du·de la concepteur·rice de forêts comestibles : celle d’un·e médiateur·rice entre le vivant, le paysage et les humains, à la croisée de l’écologie appliquée, de l’art paysager et de la transmission. Une posture qui engage à développer une écologie incarnée, exigeante, ancrée dans l’observation, l’expérimentation et la poésie du quotidien.
Le jardin de Lilian et de l’association Une Figue dans le Poirier rappelle que concevoir un écosystème comestible ne se résume pas à optimiser des rendements ou à juxtaposer des strates végétales. Il s’agit de composer avec la vie, dans toute sa diversité, son imprévisibilité et sa beauté. Un message fort, à la fois humble et ambitieux, qui résonne durablement dans le parcours de formation de nos étudiant·es.
Pour aller plus loin
Article publié par Semisto 12 mai 2025
Co-auteurs
Photo d’en-tête
Une Figue dans le Poirier vue du ciel (avril 2025)
Table des matières